MANON SARAH THIRRIOT
Né en 1993.
Vit et travaille à Lille.
Manon Sarah Thirriot développe un travail de sculpture, de photographie et d’installation autour de la notion de paysage, en creusant les questions de sa perception et de sa représentation. Son inspiration s’ancre d’abord dans la déambulation. De ses voyages, elle tire des éléments glanés qu’elle réinterprète et met en contexte avec d'autres sources, notamment en faisant appel à l’Histoire de l’art, aux sciences naturelles et aux savoir-faire vernaculaires. À son processus de création, elle adosse d’autres professions issues des domaines scientifiques et de l’artisanat.
Image ci-dessus : Vue de l'exposition "Ressouvenir", galerie Bacqueville. Photo : eiio studio / ADAGP
RESSOUVENIR
On pourrait aborder la démarche de Manon Sarah Thirriot à la manière dont l’anthropologue Françoise Héritier définissait sa propre pensée, comme « toujours et encore, en mouvement ». Les paysages qu’elle compose à la confluence de la sculpture, de la photographie et de l’installation, proviennent tous de ce même mouvement, de cette déambulation qui projette au-delà de soi et plonge du même coup en dedans. À partir de ses voyages, de ses découvertes, rencontres et expériences, de leur transformation inévitable en souvenirs – c’est-à-dire de leur digestion – Manon Sarah Thirriot extrait des fragments, les recompose et les confronte à la pensée, à l’Histoire de l’art, aux sciences naturelles et aux savoir-faire artisanaux. Malgré leur grande qualité ornementale, les formes qui en résultent sont plus complexes qu’il n’y paraît – elles sont en fait complètes, cristallisant au cœur même de la matière de nombreuses mémoires entremêlées, des symboles, le travail de plusieurs mains en une constante hybridation technique. Ce croisement entre art contemporain et pratiques artisanales a pris chez elle une nouvelle tournure avec la découverte de la marqueterie à Rome, à l’occasion de sa résidence Wicar, dont elle expérimente aujourd’hui les multiples possibilités plastiques (1).
Ses déplacements ont conduit Manon Sarah Thirriot en Nouvelle Zélande, début 2023, à la rencontre de l’art des Maoris, de leur artisanat d’une grande richesse et plus particulièrement de leurs savoir-faire en vannerie. Les paniers (kete) de lin (harakeke) et autres panneaux de fibre végétale (tukutuku), avec toute leur profondeur culturelle et rituelle – une production qui revêt un rapport intense au soin et à l’harmonie. Dans le même temps, elle réfléchit à la notion de paysage – une relation consciemment culturelle à la nature –, interroge ses conditions de perception et ses modèles de représentation, notamment à partir des cours de Philippe Descola au Collège de France.
« Qu’il sollicite l’odorat, l’ouïe, la vue ou le toucher, le paysage devient une nappe de stimuli éprouvés et de souvenirs remémorés, tantôt presque autonomes tant ils sont puissants, tantôt inextricablement mêlés dans l’évocation d’un lieu. » (2)
L’artisanat maori et la lecture de Descola l’amènent bientôt à « une lecture plus holistique et sacrée du paysage » (3), le bois devenant une « matière à penser, où [elle pouvait] inscrire, dans les creux des veines, une pensée paysagère intime et sensible ». Les formes qu’elle y fixe – gestes et témoignages, archives anodines, éléments naturels et témoignages isolés – sont autant de fragments mémoriels, brouillés sans doute, évanescents, composant pourtant un paysage plus profond qui, à bien des égards, renvoie à la peinture de Camille Corot – cette peinture du « souvenir » (4) qui fait passer le paysage du récit à la mémoire.
Dans le « ressouvenir » qu’invoque Manon Sarah Thirriot, c’est toute l’intimité de notre rapport à la nature qui se révèle, l’apprentissage de notre interdépendance absolue. Si elle ne s’affirme pas clairement dans l’œuvre – à la manière de nos souvenirs, partiels et versatiles –, cette dernière ne manque pas de se rappeler à nous de manière plus explicite au quotidien. Reste alors un sentiment, la nécessité du soin et de la reconnexion, car « si le cœur du lin est arraché, où le méliphage chantera-t-il ? » (5). - Grégoire Prangé, auteur et commissaire d'exposition
(1) Notamment dans son travail de collaboration avec Etienne Hubert, artiste et marqueteur vivant à Lille.
(2) Descola P., « Cours : les formes de paysage I », Anthropologie de la nature, Collège de France, 2001.
(3) Sauf indication contraire, les citations sont tirées de notes envoyées par l’artiste en septembre 2024.
(4) Pomarède V., Wallens (de) G., Corot. La mémoire du paysage, Gallimard, Paris, 1996, p.102.
(5) Phrase tirée d’un chant traditionnel maori que les femmes chantaient pendant le tissage ou la vannerie, inscrite sur l’une des œuvres de l’exposition – de la nature, serons-nous les méliphages ?
Images ci-dessus et ci-dessous : Vue de l'exposition "Ressouvenir", galerie Bacqueville. Photo : eiio studio / ADAGP
FRANCE
Manon Sarah Thirriot
14 nov. - 24 déc. 2024
CV
Né en 1993.
Vit et travaille à Lille.
EXPOSITIONS PERSONNELLES / SOLO SHOWS
2024
Ressouvenir, Galerie Bacqueville, Lille, France
2022
Les errances immuables, Zone de Résonance, Mortagne-du-Nord, France
EXPOSITIONS COLLECTIVES / GROUP SHOWS
2024
Le feu et les oiseaux, La pouponnière, Lille, France. Cur. : Lucie Ménard
Malteria prima, la malterie arts visuels, Lille, France. Cur. : Laurent Petit
Viva vivant, EMA, Boulogne-sur-Mer, France
2023
In Time, On time, Out Time, Ps Artspace, Frementle, Perth, Australia
2022
« Art,design et artisanat » - French Design week, La manufacture du Métal, Noyelles-lès-Seclin, France
Utopia - Caps, Lille 3000 & Ville de Tourcoing, France
Format à l’Italienne XII : Habiter le trouble*, Espace Le Carré, Lille, France. Cur. : Flora Fettah
2021
Courts-Circuits, marbrerie Lesaffre, Comines-Warneton, Belgium
Sentier «Homme/Nature», Parc naturel régional de la Montagne de Reims, Mailly-Champagne, France
Dérives, 46mcarrés, Lille, France
Archipel - Quatre résidences, mille expériences, Frac Grand Large, Dunkerque, France
2020
Coup de soleil !, Galerie Provost-Hacker, Lille, France
2019
Galeristes, Galerie Provost-Hacker, Le Carreau du Temple, Paris, France
‹‹ Et si on prenait de la hauteur ? ››, POAA la malterie, Lille, France
Tout doit disparaître, Galerie Provost-Hacker, Lille, France
mayonnaise, Centre d’arts plastiques et visuels, Lille, France
Prix artistique de la ville de Tournai, Beaux-arts de Tournai, Belgium
Festival 5 saisons, Parc Hauster, Chaudfontaine, Belgium
2018
P(Art)cours-Par(Kunst), Lieux-Communs, Parc de Woluwe, Bruxelles, Belgium
2017
Laboratoire nomade, École d’art du Calaisis - Le Concept, Calais, France
In Champion, Lieux -Communs, Namur, Belgium
2016
Local Host, Delta Studio Artist run space, Roubaix, France
Ducale Palace, Hospice d’Havré, Tourcoing, France
Révélation by ArtUp !, Lille Grand Palais, Lille, France
2014
Third it time, École Supérieure d’Art du Nord-Pas-de-Calais, Tourcoing, France
2013
Réplica, Galerie 36bis, École Supérieure d’Art du Nord-Pas-de-Calais, Tourcoing, France
L’île Ô femmes, Association Art tourne Al Fabrik, Cave des Celestines, Lille, France
PRIX & BOURSES / AWARDS
2020
Prix Wicar, Ville de Lille
2018
Aide à la création, Région des Hauts-de-France
RÉSIDENCES / RESIDENCIES
2024
La Condition publique, Roubaix, France
2022
Tous Azimuts & Le printemps culturel, France
2021
Courts-Circuits, Centre culturel Comines-Warneton, Belgium
La fileuse, Reims, France
2020
Atelier Wicar, Rome, Italy
2017
NEKATOENEA, CPIE Littoral Basque, Domaine d’Abbadia, Hendaye, France
2016-17
Projet Starter, La malterie, Lille, France
COLLECTIONS / 1% ARTISTIQUES
Groupe Lesaffre international, Art Invest Collector, Lille, France
Fonds municipal d’art contemporain, Ville de Lille, France
PUBLICATIONS / PRESS
2020
Open Studio, Atelier Wicar, Rome, Italy
Podcast, Place Cavour
2017
Julien Verhaeghe, projet Starter, Ministère de la Culture, la malterie, École Supérieure d’Art du Nord-Pas-de Calais Dunkerque-Tourcoing
Nicolas De Ribou, La malterie
Barbara Fecchio, Nekatoenea, Hendaye / Corinne Crabos, La Petite Escalère